Le canal maritime de la basse Loire


L'extrémité amont du canal : l'écluse de la Martinière.
(cliché D. Pillet, inventaire général)

Dès la fin du XVIIIe siècle, l'envasement de l'estuaire de la Loire menace le port et la ville de Nantes : les navires de grande navigation atteignent de plus en plus difficilement les quais. Pour descendre ou remonter l'estuaire, les navires de plus en plus gros, au tirant d'eau de plus en plus fort, doivent louvoyer dans des chenaux sinueux et indécis, entre de nombreuses îles. Le port de Nantes est en crise : le raffinage du sucre décline, la navigation au long cours périclite, la construction navale stagne.

La Chambre de Commerce s'en émeut, se bat pour imposer l'idée d'une voie navigable profonde. Pendant des années, la polémique fait rage entre partisans de l'aménagement du fleuve - les " loiristes " - et ceux d'un canal maritime. Les "canalistes" l'emportent finalement malgré la forte opposition des riverains, qui s'inquiètent pour la prospérité de la production du foin, de l'élevage et qui craignent que leurs prairies et leurs îles ne soient plus fertilisées par le limon des marées.

Le canal est établi à partir de 1882 sur la rive sud de la Loire. Il s'étend parallèlement à la Loire sur une quinzaine de kilomètres de la Martinière (commune du Pellerin) à l'île du Petit Carnet (commune de Frossay).
Les travaux de construction vont durer dix ans (1882-1892). C'est une énorme entreprise humaine. Sous la direction de l'ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, monsieur Jolly, ils seront jusqu'à 1200 ouvriers locaux et étrangers à réaliser ce chef d'œuvre architectural doté d'écluses et de machineries modernes à la pointe de la technologie : deux grandes écluses à sas aux deux extrémités ; un barrage éclusé et deux siphons passant sous le canal et reliant à des fins agricoles, la Loire et les marais…


Représentation du canal par E. Libaudière. (cliché musée du Château des Ducs de Bretagne - Nantes)


De la gauche vers la droite : le canal, l'ancien bras du Migron et la Loire au second plan.
(cliché Estuarium)
 

Dès son ouverture, un nombre important de navires empruntent le canal et le trafic du port de Nantes progresse rapidement. La ville de Nantes est alors sauvée et peut continuer à prospérer.
Paradoxalement, le trafic décline à partir de 1901, la jauge brute s'est considérablement accrue en quelques années ; les progrès du dragage du chenal de la Loire feront le reste. inutile et délaissé le canal s'incline le 6 juin 1913 et deviendra pour plusieurs années un cimetière pour les grands voiliers.

Outil efficace de gestion des eaux dont le siphon des Champs-Neufs constitue un nœud essentiel, le canal sera réutilisé pour les besoins hydrauliques. Une grande partie du canal sera ainsi achetée par l'Union des syndicats des marais du sud Loire (18 000 ha de marais) en 1962, formant un organisme unique capable de négocier l'accès en Loire au moment où la demande d'irrigation est particulièrement forte, notamment des maraîchers de Machecoul. Admirable retournement, le canal servira désormais les intérêts d'une agriculture qui l'avait combattu trois-quarts de siècle plus tôt !

Dans les années 80, l'intérêt porté au canal à changé de registre. L'attractivité culturelle et récréative lui accordera une troisième vie. Désormais, le canal n'est plus seulement un exemple exceptionnel de technique hydraulique à vocation industrialo-portuaire et agricole mais également un site d'une grande richesse écologique, paysagère et patrimoniale à préserver et valoriser.