Les différents types de marais


Par définition, les marais de l'estuaire de la Loire possèdent tous les mêmes caractéristiques générales :
ce sont des terres basses, aménagées et exploitées dans la plupart des cas, constituées d'habitats humides périodiquement inondés et qui présentent une succession d'îlots de végétations denses et d'espaces plus ou moins vaseux et tourbeux(1). Ces espaces terraqués (d'eau et de terre) constituent-ils néanmoins un ensemble homogène sur l'estuaire de la Loire ? Cet aspect a été abordé par plusieurs universitaires nantais entre 1975 et 1995, dans le cadre d'études destinées à mesurer les impacts des infrastructures industrialo-portuaires et de leur extension sur la biodiversité de l'estuaire. A. Vigarié(2), J.-E. Gras(3), P. Dupont(4), entre autres ont décrit la microgéographie des marais estuariens. Même s'ils ont constaté certaines similitudes, ils ont montré l'existence de nombreuses et subtiles nuances dans ce territoire et l'existence de différents types de marais.


Des profils transversaux similaires

Si l'on étudie la topographie des marais, on constate qu'il existe dans tous les cas une pente transversale qui va de la Loire (le bord du fleuve correspond à la partie la plus haute) jusqu'aux contreforts du Sillon de Bretagne, sur la rive nord, ou du coteau du Pays de Retz pour la rive sud, (secteur le plus bas). Les différences de hauteurs sont minimes mais néanmoins suffisantes pour générer un "compartimentage" en trois parties successives, plus ou moins humides et à la valeur agricole inégale.
- La bordure du chenal actuel que l'on nomme " bourrelet de rive " correspond au sommet de cette ensemble pentu, aussi, les prairies qui composent ce cordon sont-elles rarement inondées (prairies mésophiles). Cet exhaussement a été formé par le dépôt et l'accumulation régulière de sédiments et limons du fleuve. Le bourrelet de rive est continu (c'est le cas pour la partie amont de la rive nord, dans le secteur de Couëron et de Saint-Étienne-de-Montluc), mais parfois tronçonné par des étiers perpendiculaires au fleuve, (partie aval de la rive nord, entre Cordemais et Lavau-sur-Loire). C'est le domaine des prestigieux " grands prés de Loire ", à la grande qualité fourragère, dans lesquels le grand trèfle domine (Gras - 1983), qui jusqu'aux XVIIIe et XIXe siècles intéressaient fortement les bouchers nantais et les herbagers.
- Derrière le bourrelet de rive, les prairies intermédiaires (méso-hygrophiles) apparaissent dès que le relief s'abaisse de quelques dizaines de centimètres. Elles sont caractérisées par l'apparition des premiers joncs et de carex. À condition d'être bien aménagées, ces zones sont également exploitables et de bonne valeur pour l'agriculture.
- Ensuite, les parties les plus basses et les plus humides (zone hygrophile) correspondent aux secteurs déprimés et aux poches de marais, endroits les plus éloignés du fleuve, au pied des escarpements. C'est là qu'étaient localisés les "communs" utilisés par la petite paysannerie locale pour le pacage des bestiaux, dont la valeur agricole était faible en raison de l'humidité et de leur fond tourbeux. C'est ce secteur de marais qui a été la plus aménagé, ils est reconnaissable au quadrillage géométrique très dense des douves et étiers qui sillonnent l'intérieur de chaque poche. La végétation propre aux milieux humides y règne en maître : roseaux, Massettes, Joncs, Carex, Scirpes, etc.

Ce compartimentage lié à la micro topographie est une constante et dessine un profil que l'on retrouve dans tous les marais estuariens.

Néanmoins, l
a géographie est suffisamment nuancée pour que l'on puisse établir dans la zone d'étude trois types de marais à la physionomie, à la personnalité et au mode de gestion différents.

 


_________________________________

(1) P. Donadieu, Paysages de marais. Paris, Éd. Jean-Pierre de Monza. 1996, p. 194.
(2) A. Vigarié., " Présentation et protection des zones humides autour de l'estuaire de la Loire " Bulletin de l'APEEL, 4, 1989, pages 1-8. ; Les rapports de synthèse de l'APEEL - 1984-1994. Zones Humides. t. 4.
(3) J.-E. Gras, Étude de la politique du contrôle des eaux dans les étiers de l'estuaire de la Loire. CSEEL, 1983. ; ID., L'eau dans la région nantaise, Cahiers Nantais, 23, 1984.
(4) Dupont, Atlas floristique de la Loire-Atlantique et de la Vendée. Etat et avenir d'un patrimoine. 2 vol, Laval, éd. Siloë. 2001. ; ID., Bulletin de l'APEEL, 4, 1989, p 13-21.


Les marais du nord Loire (aval) Les marais du nord Loire (amont) Les marais du sud Loire