Une nature domestiquée

l'établissement cistercien au 12ème siècle

La fondation d'une abbaye cistercienne en 1135 à Buzay est de toute première importance pour l'aménagement des marais dans l'estuaire de la Loire. Dès leur implantation, les moines s'attachent à valoriser leurs prés de Loire sur les deux rives et sur les îles où ils développent l'élevage chevalin. Sur la rive sud, ils s'efforcent de défendre leurs prairies des assauts du fleuve et surtout contre les débordements du Tenu au niveau de la Chaussée le Roi entre Messan et Vue. Ces opérations sans doute encore modestes suffisent pour modifier le régime hydraulique de la vallée de l'Acheneau au point de susciter de vives oppositions des populations et des seigneurs en amont de Rouans.

l'assainissement et la poldérisation des prairies du sud Loire à partir du 17ème siècle

Il faut toutefois attendre le début du 18ème siècle pour que, sous la direction de l'abbé de Caumartin, les prairies de Buzay soient aménagées dans la forme que l'on connaît actuellement. L'ingénieur Mocquart, formé aux techniques hollandaises dans le Golfe du Poitou, conçoit alors les aménagements d'un polder, isolé du bassin du Tenu et du front de Loire par une levée périphérique. Artère principale d'un réseau intérieur de douves géré au moyen de nombreux vannages, le canal du Pavillon communique avec le fleuve afin d'assurer alternativement l'écoulement des eaux hivernales, puis l'irrigation des prairies en période estivale. Ces travaux bonifient considérablement les prairies de Buzay. Divisées en "tenues", elles sont affermées à de gros opérateurs du marché de la viande qui apportent d'importants revenus à l'abbaye, l'une des plus riches de France au 18ème siècle.

C'est à cet exemple et pour défendre d'autres intérêts que se constitue au début du 18ème siècle une société de propriétaires en amont de Rouans : ils créent le canal de Buzzay, bifurcation de l'Acheneau à Messan vers la Loire afin de faciliter les évacuations et assainir leurs terrains. Au début du 19ème siècle, le syndicat de l'étier de Vue se forme pour l'aménagement des marais, cette fois à l'aval du bassin du Tenu.

La vallée du Tenu-Acheneau : un axe de circulation privilégié entre le Poitou et la Bretagne

une occupation ancienne et continue, une voie de passage

Le
Pays de Retz et plus spécifiquement la vallée du Tenu-Acheneau ont été colonisés dès la préhistoire. Le biface (outil de pierre taillé par elèvement d'éclats) retrouvé à l'Almouse, sur la commune de Frossay et vieux de plus de 100 000 ans atteste d'une présence pré-néandertalienne à la confluence de la vallée de l'Acheneau et de la Loire. La continuité de l'occupation humaine est confirmé par le matériel archéologique du néolithique et de l'âge du bronze. Vue est un poste stratégique gaulois. Une voie romaine traverse le territoire. Au Moyen Age, les pèlerins de Compostelle y poursuivent leur route.

la rivière du Tenu-Acheneau et "Portus Vitrania" : axe commercial névralgique entre "la bais de Bretagne" et la Loire

Très tôt, le Tenu est utilisé pour le transport des marchandises et des himmes, assurant notamment la communication entre la baie de Bourgneuf et la Loire. Cette voie fluviale connaît son apogée entre la période gallo-romaine et la find u Moyen Age. Les denrées (vins, bois, produits agricoles, matériaux de construction) étaient acheminées à dos d'homme ou d'animal jusqu'au "Portus Vitraria" (ou "P Vetraria"), ancien port situé à proximité de Saint-Même de Tenu, pour être ensuite convoyées par le Tenu jusqu'à la Loire.

Mention particulière doit être faite du commerce du sel, "l'or blanc". Dès le début de l'ère chrétienne, cet axe devint une "route du sel". Produit en différents points du littoral français (Brouage, Ré, mais surtout à Guérande et dans le baie du Bourgneuf/Noirmoutier alors appelée "baie de Bretagne") le sel était transporté en grande quantité par bateau vers la Loire et le port de Nantes pour être ensuite exporté dans toute l'Europe et notamment vers les ports de la Hanse.

Un territoire de confluence récent

l'estuaire de la Loire un "entonnoir" ouvert sur l'océan

L'estuaire de la Loire est couramment associé par les géographes à l'image d'un vaste "entonnoir" ouvert sur l'océan atlantique depuis le port de Nantes, et encadré par duex reliefs rectilignes : le sillon de Bretagne au nord et le coteau du Pays de Retz au sud.

une origine très ancienne

L'estuaire et plus spécifiquement la vallée de l'Acheneau-Tenu s'inscrivent dans un territoire formé sur un socle très ancien datant du précambrien (première période de l'histoire de la terre, entre 1 milliard et 600 millions d'années). Ce socle est composé de schistes, micaschistes, granites et gneiss.

les marais du sud de l'estuaire ou la confluence de plaines sédimentaires récentes

L'estuaire n'a pourtant adopté sa forme actuelle que très récemment :

- durant la période géologique du quaternaire, entre 1,8 millions et 12000 ans, plusieurs phases de glaciation vont considérablement abaisser le niveau général des océans (il y a 18000 ans, l'océan était 110 mètres au dessous du niveau actuel).
A la fin de cette période froide, la fonte glacière achève de creuser dans le roche des paléovallées qui dessinent un premier parcours de la Loire et de ses affluents.

- Il y a 12000 ans, débute une période de réchauffement général du globe terrestre qui provoque une remontée du niveau des eaux. Cette transgression marine est à l'origine du remblaiement progressif des paléovallées de la Loire et de ses affluents.
Aujourd'hui, les marais du sud Loire se situent à la confluence des vallées alluviales (plaines sédimentaires) de la Loire et de l'Acheneau-Tenu. Cette dernière a creusé son lit dans une épaisse couche d'alluvions (un mélange de sable, de tourbe et de vase) qui, elle-même, repose sur l'ancienne vallée creusée dans la roche.